Les rues de New York avaient bien changé au cours de dix dernières années. Non pas que je me plaigne bien au contraire. J’étais né dans cette ville et les modifications apportées par les démons avaient même amélioré la cité selon moi. Les meurtres, vols, attaques étaient monnaie courante et je me sentais comme chez moi. Après tout, je ne les avais pas attendus avant de faire tout cela moi-même mais l’atmosphère d’impunité qui régnait aujourd’hui était vivifiante. Finis les faibles, finis les peureux et finis les lâches. Une sorte de sélection naturelle s’était faite et même si certains de ces traits subsistaient encore chez certains individus, ils étaient agrémentés de toutes sortes d’émotions bien plus intéressantes qu’avant.

Je n’étais pas là par hasard aujourd’hui, je passais la majorité de mon temps au palais bleu. Non, non, j’avais un but pour ce déplacement, une mission et je m’en étais plutôt bien tiré. Comme d’habitude. Après quelques minutes, l’homme aurait dénoncé jusqu’à sa mère. C’était si beau de voir la volonté d’un homme être écraser sous mes pieds. J’avais ce que je voulais et j’avais laissé l’homme pathétiquement recroquevillé sur le sol de son appartement. Je ne lui avais même pas accordé la mort, je préférai savoir qu’il allait vivre avec ça sur la conscience. Curieuse chose que la conscience, heureusement que je n’en ai aucune.

Je rajuste les bords de ma chemise avant de me lancer dans la ville, j’ai encore un peu de temps à perdre et rien à faire de plus aujourd’hui. Je crève de chaud comme toujours avec les températures que nous subissons. Moi qui n’avait jamais aimé la chaleur et qui détestais déjà quand il faisait 25degrés… j’étais servi. Je marchais d’un pas léger sous la température lourde et le soleil rougeoyant. Mes pieds me guidèrent vers un parc que j’avais fréquenté étant gamin et qui lui aussi avait bien changé. Rien que l’eau pale du lac qui le traversait jadis avait pris une teinte sanguine qui ne me déplaisait pas.

A quelques mètres de moi, une silhouette encapuchonnée se rapproche. Je lève les yeux vers elle, essayant de l’identifier. Ma main vient instinctivement se poser sur la dague que je garde cachée à l’arrière de mon pantalon. On n’est jamais trop prudent désormais. La personne retire sa capuche et j’identifie immédiatement ma « charmante » fiancée. Nous ne nous sommes à vrai dire jamais parler. Je l’ai vu à plusieurs reprises de loin dans le palais ou quand j’étais en compagnie de Satan mais elle a apparemment décidé qu’aujourd’hui serait un bon jour.

Je m’apprête à lui répondre, curieux de sa question mais aussi du petit sourire qui se profile sur sa bouche quand quelqu’un vient m’assener un coup sur le côté du visage. La garce. Je me relève et fais face au démon qui m’a attaqué de dos. Même pour un démon, c’est bien lâche. Il a un air mauvais sur le visage et lève la main pour me porter un second coup. A quelques mètres, j’aperçois une pierre qui me semble plutôt lourde et d’un geste vif de la main celle-ci vient s’écraser dans la tête de mon ennemi du moment.

Sous le choc, le démon vacille et j’en profite pour lui mettre un crochet du droit. Cette fois ci il tombe et je l’accompagne au sol quelques secondes plus tard. Sans la pierre, mon coup de poing aurait eu beaucoup moins d’impact et j’en suis bien conscience. Je connais mes faiblesses, ma force humaine mais je connais aussi mes forces. Mon genou sur son torse j’appuie de tout mon poids sur sa cage thoracique et quand il reprend ses esprits et bouge sa main pour m’enlever de ma position je lui plante ma dague dans la main. Bloquant celle-ci dans le sol et sa main avec.

Le démon pousse un cri de douleur mais serre bien vite les dents. D’un geste sec, j’agrippe le menton du démon pendant que mon autre main se referme autour de son cou. Je sens un peu de mon sang coulait à la commissure de mes lèvres mais je ne fais aucun mouvement pour l’essuyer.

« Tu vois ce sang ? Tu sais ce qui arrive quand quelqu’un le fait couler ? »

Il ne me répond pas mais ça vient probablement du fait que je lui bloque la respiration d’une main ferme toujours autour de son cou et avec le poids de mon genou qui s’enfonce dans sa poitrine. Je déloge ma dague en prenant bien soin de la faire tourner à l’intérieur de la plaie avant de l’extraire complètement. Je la pose pres de son œil et avec un sourire sadique, je me penche pour pouvoir lui parler à l’oreille.

« Tu en as deux, je peux bien t’en enlever un »

Je relève la tête jetant pour la première fois un coup d’œil à la jeune femme, à ma si fourbe promise. J’aime ça, je dois bien l’avouer. La fourberie, le vice, c’est tout à fait dans mes cordes et au moins, je ne risquerai pas de m’ennuyer. Et puis, je dois avouer qu’elle n’est pas si mal… Pour une demi ange. Peut-être que les années de tortures aux mains de satan et sa femme ont réussi à effacer complétement son sang ailé ? On ne peut qu’espérer.

« Ou peut être que tu as une autre idée, Caedes ? Après tout, c’est toi qui a mis sa vie en danger ? Un œil ? Une oreille peut être ? Je pourrais aussi tout simplement lui ouvrir la gorge ? »